vendredi 4 mai 2007

Grève des transports


Retour de l’inquiétude chez les opérateurs

Reprise du mouvement des chauffeurs hier

· Les briseurs de grève menacés

· 7.000 tonnes de primeurs bloquées dans le Sud


La trêve n’aura été que de courte durée, et les transporteurs ont repris leur grève. Karim Ghellab n’est décidément pas sorti de l’auberge. Le ministre du Transport, qui a probablement hérité du portefeuille le plus houleux du gouvernement Jettou, en est à la deuxième crise grave de son mandat (après la réforme portuaire, cf. www.leconomiste.com). Quelques jours à peine après l’annonce de l’arrêt du bras de fer, les chauffeurs ont repris hier, et pour 48h renouvelables, leur mouvement. Ils dénoncent toujours, entre autres, les clauses de retrait de permis, les amendes «exorbitantes» et les peines d’emprisonnement, alors que d’autres rejettent le projet de Code de la route en bloc.
En tout cas, le mot d’ordre a été largement suivi. Difficile de trouver un taxi en circulation hier matin à Casablanca. Les quelques briseurs de grève ont été violemment «rappelés à l’ordre» par leurs collègues. Au port de la métropole, la situation était «désastreuse», selon le commandant Karia, patron d’IMTC. «Aucun camion tire ne rentre au port, et ceux qui s’y aventurent sont réquisitionnés par les grévistes», déplore le commandant. Dans la matinée d’hier, 5 navires étaient à quai et n’ont pas pu charger. Le discours est autrement plus virulent à Agadir, auprès de l’Association marocaine des producteurs et producteurs exportateurs de fruits et légumes (Apefel). «Nous sommes stupéfaits devant le laxisme du gouvernement», déclare implacablement Samir Tazi, vice-président de l’association.
Et pour cause, pas moins de 2.000 tonnes de produits à l’export et plus de 5.000 destinées au marché national sont bloquées sur les routes. Des denrées pour la plupart périssables, ne souffrant pas de délais d’attente trop longs. Les camions arrivant de la zone sud sont bloqués par les grévistes au niveau de Goulmime, malgré quelques «timides tentatives des gendarmes», indique l’Apefel. Les mêmes problèmes se posent aussi dans la région du Nord. Une chose est sûre, le timing de la grève porte un coup dur aux exportateurs. «Au moment où le marché de l’export est favorable pour la tomate, nous espérions pallier les grosses pertes que nous avions subies le dernier trimestre de l’année dernière. A ce rythme, nous n’arriverons même pas à les écouler sur le marché national», ajoute le vice-président.
Le spectre du blocage économique n’est donc pas éloigné, et les opérateurs s’en inquiètent. Il faut dire que les perturbations intervenues dans la chaîne de production et de livraison des marchandises lors des récentes grèves s’étaient avérées lourdes de conséquences, notamment pour les secteurs de produits périssables. Celles-ci avaient même créé une psychose chez les opérateurs économiques, vite rejoints par la population, dès que le carburant commençait à faire défaut. Le département de Ghellab affirme que cette fois-ci «toutes les mesures ont été prises pour protéger le droit au travail».

· Pas de risques de pénurie de carburant

Si effectivement aucune opération escargot sur l’autoroute n’a été relatée ni une quelconque occupation de l’espace public, il n’en demeure pas moins que l’intimidation est forte, et nombre de chauffeurs préfèrent s’abstenir de peur de représailles. Pour ce qui est de l’approvisionnement, le gouvernement a pris les devants. Dès l’annonce de la grève, aéroports, ports et stations d’essence ont été approvisionnés. Ce qui n’empêche toutefois pas plusieurs opérateurs de parler de «catastrophe économique imminente» en cas de poursuite du bras de fer. En tout cas, tout le monde s’accorde à souligner la nécessité de tirer les enseignements qui s’imposent tant le préjudice subi en termes d’immobilisation de la chaîne de production et de relations commerciales est jugé très grave. La grève ne fait toutefois pas l’unanimité, et nombre d’associations et de fédérations se sont prononcées pour une poursuite du dialogue.

· Manque d’encadrement

A l’origine de la fronde, plus d’une quarantaine d’associations et de syndicats représentant majoritairement des chauffeurs de taxis petits et grands. La journée d’information, organisée le mardi 24 mars à Rabat autour de ce texte, censée renseigner sur ses dispositions les différents intervenants, a vite «tourné au vinaigre» (cf. www.leconomiste.com). Pourtant, au sein du ministère, on se dit toujours ouvert à la discussion, et des commissions techniques ont même été formées pour d’éventuels amendements du projet. «La semaine prochaine, 7 réunions sont prévues avec 12 fédérations concernées», a annonçé Ghellab vendredi dernier. Au sein de la Fédération du transport (FT), affiliée à la CGEM, qui dénonce la reprise de la grève, on ne cache pas son irritation: «Il est très dur de négocier dans de telles conditions».
La grande atomicité des entreprises de transport routier, dont 90% n’ont pas plus de deux véhicules, n’encourage certes pas au consensus. D’autant plus que certains patrons se sont solidarisés avec leurs chauffeurs. «Le problème est essentiellement dû à l’encadrement, la profession étant trop disparate, ainsi qu’à la méconnaissance du projet», confirme la même source. Cependant même pour les défenseurs du dialogue, le projet de code comporte des lacunes certaines, notamment en ce qui concerne le contrôle routier.
La FT appelle vigoureusement à «une moralisation du contrôle sur les routes et au sein de l’entreprise». Une manière de dénoncer la corruption que beaucoup considèrent comme la principale source et à laquelle le projet en question n’apporte aucune réponse. La FT, pour sa part, appelle à prendre exemple sur la France En effet, la circulaire dite «Juppé» précise que tous les corps de contrôle, y compris la gendarmerie et la police, opèrent sous l’égide du ministère des Transports.

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Un projet incomplet?



10 morts et 15 blessés par jour, c’est un bien triste record. Avec 60 millions de véhicules (contre 2 millions au Maroc), et une population de presque le double chez nous, la France en enregistre autant. Etat des routes, inconscience des conducteurs, analphabétisme, corruption… Il faudra chercher très loin les causes de ce fléau. Si le projet de code de la sécurité routière est indéniablement une initiative louable, il n’en demeure pas moins qu’il comporte certaines lacunes de l’avis de nombreux professionnels.
Ainsi, le temps de repos exigé pour les chauffeurs ne peut se faire sans l’aménagement d’aires de repos sécurisées tout le long du réseau routier. La mise à niveau des conducteurs est pour sa part conditionnée par l’ouverture de centres de formation professionnelles en nombre suffisant et liés par un cahier des charges incorporant notamment le référentiel de cette formation. Enfin, les professionnels regrettent que les textes d’application afférents au code ne soient pas joints au projet, ce qui l’aurait rendu plus complet.

Amine BOUSHABA

leconomiste.com

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